Gainsbourg, vie héroïque, de Joann Sfar, avec Eric Elmosnino, Kacey Mottet Klein, Lucy Gordon et Laetitia Casta trace la vie de Lucien Ginsburg, dit Serge Gainsbourg, en évitant le piège de la biographie filmée. Si on reconnait le talent aux risques relevés et vaincus, celui de Joan Sfar est une fois de plus démontré.
On suit bien sûr le petit garçon juif devant fuir les persécutions nazis jusqu’à la déchéance alcoolique et la mort suggérée. Mais l’auteur de la bande dessinée Le Chat du Rabbin, qui signe ici son premier film en tant que réalisateur et scénariste, a su donner une interprétation magique de cette vie qui n’a rien d’ordinaire.
Il ne cherche jamais à expliquer les faits ou à être exhaustif. Le premier risque était de créer cette biographie sous la forme de touches successives, de scènes isolées et marquantes, de fractions d’histoires accumulées. Cette méthode quasi-impressionniste a déjà été à l’origine de nombreux navets. Ce risque est vaincu : Serge Gainsbourg est tracé avec subtilité sous le feu d’éclairages variés sans jamais ennuyer.
A cela il faut ajouter un parti-pris esthétique et scénique des plus originaux : en jouant sur le terrifiant Juif d’une affiche de propagande nazie, Lucien Ginsburg se voit doté d’un fantôme qui le guide, sa gueule terrifiante d’homme à la tête de choux qui séduira les femmes les plus inaccessibles, de Juliette Gréco (Anna Mouglalis) à Brigitte Bardot (Laetitia Casta).
L’une des richesses du film est, enfin, la série impressionnante de rôles secondaires parfaitement interprêtés. Laetitia Casta, notamment, créé une Bardot plus vraie que nature. Et, bien entendu, le rôle titre est tenu par Eric Elmosnino en état de grâce. Toutes les chansons sont interprétées par les acteurs, souvent réorchestrées pour l’occasion, donnant une ambiance des plus extraordinaires.
Un pur chef d’oeuvre de poésie digne de Serge Gainsbourg.