Comme tout à chacun, je me penche sur le sens de la vie, sur ce qui pourrait nous advenir au-delà de la mort, etc. Dans l’essai Cum, j’ai voulu avoir une approche à la fois rationnelle et pragmatique, relativement expérimentale. J’ai voulu y limiter les hypothèses hasardeuses.
Permettez-moi, ici, de prendre le contre-pied de Cum en multipliant les hypothèses, en prenant des positions assez peu argumentées. Ayons un peu de foi, donc. Parlons des « esprits ».
Mon côté rationnel m’a poussé à m’intéresser aux expérimentations d’Alan Kardec (Hippolyte Léon Denizard Rivail pour l’état-civil). Il a structuré, sous la forme de la doctrine spirite, bon nombre de pratiques et de croyances antérieures en multipliant les expériences que l’on peut qualifier de surnaturelles. Je n’ai jamais réalisé de telles expériences, du moins jusqu’à présent.
Mais, en lisant « Le Livre des Esprits » (datant de 1857), plusieurs incohérences m’ont sauté aux yeux. Tout d’abord, les esprits s’y présentent souvent avec une identité. Alan Kardec signale des interlocuteurs prestigieux, comme Saint-Louis par exemple. Or les esprits sont censés être amnésiques, perdre la connaissance de leur vie terrestre ou du moins l’essentiel de celle-ci. Par ailleurs, les esprits circulant autour des humains et acceptant d’entamer un dialogue seraient plutôt médiocres voire volontairement trompeurs. Pourquoi ceux qui s’adressèrent à Alan Kardec diraient-ils la vérité ?
Dans Cum, j’ai émis l’hypothèse d’un « aspect » lié à l’âme. J’ai surtout utilisé cet aspect dans la notion d’idée du soi et de ses conséquences. Partons ici du principe que cette « âme » existe. Admettons également qu’elle puisse survivre à la mort physique.
Donc, nous admettrons ici que des « esprits » peuvent exister.
Si tel est le cas, qu’adviendrait-il au moment du décès du corps ? L’esprit au sens intellectuel, issu de la circulation d’énergies dans notre cerveau, disparaît puisqu’il est lié au corps. L’âme serait donc libérée ou, en tous cas, séparée du cadavre.
Que contiendrait-elle ? Sans doute une empreinte de l’esprit au sens intellectuel. Un schéma mental, des souvenirs marquants… L’ampleur de la recopie serait plus ou moins importante selon la force de l’âme.
Si cette âme appartient au monde, elle ne peut guère le transcender pour découvrir des vérités cachées. Tout au plus pourrait-elle rencontrer d’autres âmes et communiquer avec elles, comme un homme peut rencontrer d’autres hommes. Et discuter avec la même propension à l’erreur, à la croyance infondée. Un « esprit » errant ne serait donc guère plus fiable que n’importe qui, sauf qu’il aurait une expérience de la mort et pourrait donc nous renseigner sur ce point.
Mais un esprit pourrait-il rester errant ? Peut-être la chose serait-elle génératrice d’un grand trouble, le « souvenir » de la vie terrestre demeurant vivace. Et peut-être qu’il aurait besoin aussi de se retrouver de l’énergie au travers d’une nouvelle vie charnelle sous peine de disparaître, de « mourir » pour de bon.
Voilà qui justifierait la volonté ou l’obligation d’une réincarnation. Or celle-ci serait une forme de « possession » au sens de la prise de contrôle d’un corps non-doté d’une âme par une âme pré-existante. Ce corps serait trop peu développé pour accepter tout le contenu de l’esprit errant. Les souvenirs et une part du schéma mental seraient donc alors perdus faute de capacité pour le corps à absorber cette masse d’information.
Enfin, quand un corps neuf ne se ferait pas ainsi posséder, il développerait alors son âme propre.
Plus l’âme serait forte, plus elle pourrait demeurer errante. Et le schéma mental sage serait porteur de moins de trouble qu’une folie matérialiste par exemple. Un esprit errant matérialiste ou égoïste serait consumé par ses propres errements. L’Enfer, quoi.