Dans la postface de mon roman Apotheosis, je poussais des hurlements contre l’inconsistance des univers de fiction, en l’occurrence surtout la saga Highlanders. D’autres univers de fiction, univers cultes de la pop-culture ou de la culture geek, sont aussi marqués par cette inconsistance voire de nombreuses incohérences. C’est notamment le cas pour Matrix (que j’ai récemment acquis en DVD, d’où mon envie d’écrire ce coup de gueule), Harry Potter ou même Star Wars. Les univers Marvel ou DC Comics sont à un tel niveau d’incohérence que l’éditeur a dû parfois assumer de véritables reboots voire des univers parallèles. A l’inverse, l’univers développé par J.R.R. Tolkien est, lui, une réelle merveille.
Suis-je donc le seul à être gêné par les imbécillités scénaristiques ?
Dans certains cas, l’auteur se retrouve piégé par une complexité de son univers qu’il n’avait pas vue venir. C’est typiquement le cas de Harry Potter. J. K. Rowling a commencé un roman gentillet pour enfants et se retrouve à devoir traiter, au fil des tomes, d’histoire politique, d’économie, de physique, de morale, d’écologie… L’univers n’avait pas été prévu pour être résistant à de tels questionnements. Et, comme je l’ai mentionné dans la postface à Apothéosis, la magie est un outil dangereux pour le narrateur. Pourquoi travailler à créer des objets s’il suffit d’un coup de baguette magique pour faire la même chose ? Pourquoi avoir des elfes de maison quand une baguette magique devrait tout faire ? Comment gagnent de l’argent les sorciers riches ? Il en résulte des TGCM (« Ta Gueule C’est Magique ! ») à la pelle, ce qui est gênant.
On pourrait trouver une excuse similaire à George Lucas, sauf qu’il avait l’ambition d’une triple trilogie dès le départ. Dès les premiers jeux vidéos, alors même que la trilogie classique centrale (la première à être sortie) n’était pas achevée, la dimension politique est très présente. On passera, bien sûr, sur la bêtise récurrente des héros ou des antagonistes à concevoir des interrupteurs pour leurs armes qu’il suffit d’actionner pour aboutir à neutraliser les plans les plus tordus. De même, la présence de bouches d’aération idéales pour y lancer des missiles est pour le moins curieuse dans une station spatiale, placée par définition dans le vide. On remarquera aussi un certain sexisme : pourquoi Leia n’a quasiment aucun pouvoir (et ne cherche pas, une fois la révélation faite, à les développer) alors que Luke devient un véritable grand maître ? Pourquoi une semaine d’entrainement suffit à un Luke adulte pour devenir Jedi là où des années ne sont pas jugées suffisantes par le même Yoda pour le pré-adolescent Anakin considéré comme trop vieux pour apprendre ? Les exemples sont nombreux.
Le pire, je l’ai gardé pour la fin. J’ai donc acheté la saga Matrix en promotion en DVD. Cela faisait des années que je ne l’avais plus vue et son inconsistance et ses incohérences m’ont réellement sauté au visage, détruisant tout attrait pour les quelques bonnes inventions de l’univers. Avoir des humains vivant dans un monde virtuel conçu par des machines qui exploitent ainsi leur énergie cérébrale, pourquoi pas ? De même, le corps croit être dans l’univers virtuel et se faire tuer virtuellement aboutit à la mort du corps physique, soit. Mais dès que l’on quitte les effets directs de ces postulats, cela devient vite n’importe quoi. D’abord, le point de départ de l’univers est une guerre entre humains et machines. Les machines se sont mises à cultiver des humains pour avoir de l’énergie, les humains ayant eux-mêmes détruit leur monde pour tenter de priver les machines d’énergie solaire. Outre l’incroyable bêtise de ce suicide (dont la réalité est mise en doute par les héros eux-mêmes), ce qui est étrange, c’est tout de même que les rebelles possèdent des vaisseaux et des équipements sophistiqués qui fonctionnent avec une énergie inconnue. Pourquoi les machines s’embêtent-elles si une telle énergie est disponible ? Le cycle de construction-destruction de Sion, la cité des rebelles, et l’apparition d’un bug récurrent messianique posent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Et, enfin, dès lors que la conscience de la virtualité du monde de la matrice est acquise, pourquoi les humains restent mortels dans cette matrice ?
Bref, je suis allergique au TGCM. Je suis incapable de « suspendre mon incrédulité » comme disent les scénaristes. Et cela me gâche régulièrement mon plaisir quand je m’intéresse aux univers de fiction d’autres créateurs.