L’uchronie est un genre littéraire qui fait partie de la grande famille du Fantastique. Le principe en est simple : on change un élément dans l’Histoire réelle et on décrit ce qu’il advient. Je me suis essayé à l’exercice avec le recueil de nouvelles « Les derniers seront les premiers« . Raphaël Doan a, lui, voulu sauver l’Empire Romain de sa chute avec « Si Rome n’avait pas chuté« .
Les historiens comme lui méprisent souvent ces petits exercices d’imagination. Pas lui. Il en reconnait même tout l’intérêt pour bien comprendre une époque. Mais l’uchronie est fréquente. Sauver l’Empire Romain, une entreprise assez banale. Alors quoi ? Ce qui m’importe est sur le bandeau rouge ajouté par-dessus l’ouvrage : « le premier livre d’histoire écrit et illustré avec une intelligence artificielle« .
L’éditeur prend quelques libertés avec la réalité pour la promotion de l’ouvrage. Le bandeau est presque lui-même une uchronie. Là aussi, c’est banal. Il ne s’agit pas d’un livre d’histoire et son écriture n’est que partiellement le fait d’une intelligence artificielle. Plutôt qu’un bandeau en sur-couverture, il aurait été plus approprié de choisir un titre moins banal.
L’auteur explique sa méthode dans une introduction. Certes, il a demandé à diverses intelligences artificielles d’une part d’écrire des nouvelles uchroniques dont il saisissait le synopsis, d’autre part de créer des illustrations adéquates. Derrière chacune des nouvelles, il a apporté son commentaire, un vrai commentaire d’historien, pour expliquer pourquoi l’hypothèse retenue n’est pas saugrenue et pourquoi l’Histoire s’est passée autrement. Raphaël Doan pousse pourtant le bouchon très loin en faisant connaître à Rome une révolution industrielle telle que l’humanité en a connue une, dans l’Histoire réelle, au XIXème siècle. L’ensemble reste malgré tout tout à fait acceptable.
Qu’apporte l’usage de l’IA ? De fait, pas grand’chose. Un auteur aurait pu écrire les nouvelles (dont le texte n’a guère de valeur littéraire). Un illustrateur aurait pu créer les illustrations. L’intérêt de l’exercice, c’est précisément que c’est une IA qui a, en quelque sorte, créé les récits. Cela dit, il faut se méfier de ce que cela signifie. Les concepts ont bien été apportés par l’historien. L’IA a donc écrit et dessiné mais n’a pas réellement créé, imaginé. Cependant, il y a là un évident gain de temps (et d’argent : aucun dessinateur n’a été embauché). Demain, peut-être que la création littéraire nécessitera juste des scénaristes, l’IA rédigeant le texte.
« Si Rome n’avait pas chuté« , de Raphaël Doan (160 pages, Editions Passés/Composés, 20 euros).