L’avocat de la terreur, de Barbet Schroeder, sur et avec Jacques Vergès
Jacques Vergès rebute ou stupéfie, provoque l’admiration, le mépris ou la haine, mais il laisse d’autant moins indifférent qu’il est entouré d’un halo de mystères… Barbet Schroeder livre ici un portrait fait à partir d’interviews du héros de son documentaire et aussi de nombreuses personnes l’ayant connu. Le film démarre avec la naissance du mythe : comment, par un concours de circonstances, ce fils d’un Réunionnais et d’une Vietnamienne est amené à défendre des combattants du FLN devant un tribunal militaire d’Alger. Il s’achève avec le procès Barbie. Barbet Schroeder ne va pas plus loin dans le temps (sauf sous la forme de courtes scènes enchainées), considérant sans doute que tout le personnage s’est livré lors du procès du Boucher de Lyon.
C’est vrai qu’il y a une certaine cohérence à défendre autant des terroristes d’extrême-gauche, que des nationalistes arabes, des terroristes islamistes ou même des nazis. Il y a une cohérence sur certains réseaux et des intérêts certes divergents mais qui se retrouvent autour d’une certaine haine d’Israël, et, partant, de la logique coloniale. Il y a une cohérence intellectuelle à vouloir défendre l’indéfendable pour obliger la Société à se regarder dans le miroir pour y voir ses propres horreurs. Défendre Klaus Barbie n’est-il pas, simplement, montrer que la Résistance n’était pas si propre et, surtout, que l’Armée Française en Algérie n’avait rien à envier à son homologue allemande durant la Seconde Guerre Mondiale ? Défendre les Khmers Rouges n’est-il pas une manière de rappeler qu’ils ne sont pas les seuls coupables du drame vécu par le Peuple Cambodgien alors qu’ils font des boucs émissaires si faciles ? Jacques Vergès est, selon Barbet Schroeder, l’homme qui refuse l’évidence.
On peut adhérer à la thèse de Barbet Schroeder ou pas. L’homme Vergès, lui-même, ne se livre pas même au cours de ses interviews, qu’elles soient issues d’archives ou bien réalisées pour ce film. Le risque d’un tel portrait est d’être ennuyeux. Avec un tel sujet, il est également de réaliser une charge ou au contraire un panégyrique. Barbet Schroeder échappe à ces deux écueils et signe un très beau film qui, au travers d’un personnage qui n’a pas fini de se révéler, permet de se pencher sur notre histoire récente.
Nous avons tous besoin de refuser les évidences.