Les Misérables, de Tom Hooper, adapte en film le drame musical d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg tiré du célèbre roman de Victor Hugo. Les acteurs banckables s’accumulent au générique : Hugh Jackman (Jean Valjean), Russell Crowe (Javert), Anne Hathaway (Fantine), Amanda Seyfried (Cosette), Helena Bonham Carter (Madame Thénardier), Sacha Baron Cohen (Monsieur Thénardier)… Même si les Thénardier font davantage rire que pleurer (à la manière d’un Sweeney Todd de Tim Burton où l’actrice avait joué un personnage proche), chacun est bien à sa place.
Si on peut crier au sacrilège vis-à-vis d’une oeuvre majeure du patrimoine culturel français et mondial, c’est plus par le côté non-assumé voire inachevé de ce sacrilège.
En effet, le « musical » type Broadway joue nécessairement à fond sur des émotions fugitives en délaissant les lentes et profondes constructions de personnages. De même, il peut sembler déroutant que même « passe moi le sel » soit dit en chantant. Le scénario est évidemment composé d’une juxtaposition de tableaux sans guère de transitions. Là n’est pas le problème : un « musical » n’est pas un roman et on n’en attend pas les mêmes choses.
Mais un sacrilège doit être assumé. Et les auteurs doivent aller au bout de leurs choix. Il faut les assumer.
Or, adapté d’un « musical », ce film a voulu en garder l’esthétique des décors de théâtre. Pourquoi pas ? Mais la multiplication ad nauseam des gros plans pour cacher au maximum les décors, surtout en alternance avec de grands paysages numériques, empêche l’esthétique de jouer son rôle. De la même façon, l’émotion peine à saisir le spectateur. Un « musical » de cette nature aurait dû être épique. Les grandes envolées sont rares et brèves.
Malgré tout, voir des Américains agiter un drapeau rouge en le célébrant comme un drapeau de la Liberté fait toujours plaisir.