Avec l’Affaire Snowden est arrivée dans le grand public la notion de lanceur d’alerte. Pourtant, cette notion est bien plus vieille. Aux Etats-Unis, elle a même été imposée par des textes comme la loi Sarbanes Oxley. De quoi s’agit-il ? Un lanceur d’alerte est quelqu’un qui désobéit à sa hiérarchie pour dénoncer les agissements répréhensibles de celle-ci soit auprès des autorités compétentes (Sarbanes Oxley) soit auprès du grand public afin d’obliger les autorités à réagir (cas Snowden).
Cette dénonciation entraîne aujourd’hui des sanctions, disciplinaires, civiles ou pénales, contre le lanceur d’alerte alors qu’il agit dans le sens du bien commun. Il est possible qu’il en soit autrement, du moins en France.
Il y a de grands débats pour distinguer le dénonciateur (agissant par soucis moral), le délateur (intéressé par une récompense), le whistleblower (celui qui dénonce aux autorités sur appel de celles-ci) et le lanceur d’alerte au sens strict. Dans tous les cas, cependant, il est clair que l’individu concerné agit dans le sens du bien commun tel que défini par les lois, traités, déclarations universelles, etc. Ou, du moins, il estime agir dans ce sens. Dans tous les cas, également, l’individu concerné va désobéir à sa hiérarchie. Ces deux aspects seuls ont ici une importance. Nous en resterons donc à un terme générique, celui de « lanceur d’alerte ».
Lutter contre le crime par la fin de la solidarité de la chaîne hiérarchique
Les crimes, notamment en cols blancs, reposent sur une longue chaîne de complicités, notamment au sein de la pyramide hiérarchique des organisations. C’est bien sûr le cas en particulier dans les entreprises dès lors que l’on parle de fraudes diverses, notamment de fraudes fiscales. La moindre fuite peut déboucher sur des sanctions sévères contre les coupables des fraudes. La pression hiérarchique est donc énorme pour empêcher ces fuites. Or l’intérêt public exige que ces crimes soient dénoncés et poursuivis.
Cela est autant vrai lorsque l’Etat ou une administration abuse de son pouvoir en ne respectant pas ses propres lois. Les agents publics sont les premiers à pouvoir dénoncer les agissements criminels du gouvernement ou d’élus corrompus.
Pour briser la loi du silence, il n’y a qu’une seule solution : empêcher toute sanction contre les lanceurs d’alerte. Cette règle entraînera un changement essentiel : la peur ne sera plus en bas de l’échelle hiérarchique mais en haut. A tout moment, un acteur anonyme pourra être dénonciateur. Ce sera la meilleure dissuasion contre la commission de tels crimes.
Malgré tout, il ne s’agit que n’importe quel illuminé dénonce n’importe quoi à n’importe qui. Une saine justice suppose un strict respect du principe de présomption d’innocence. Et le lanceur d’alerte doit donc disposer de solides preuves.
Deux articles à insérer dans le Code Civil et le Code Pénal
Pour protéger les lanceurs d’alerte, deux dispositions sont donc à insérer dans la Loi. La première vise à les protéger d’un point de vue pénal, la seconde d’un point de vue civil (demande d’indemnisation). Les limites posées sont comparables à celles instituées pour d’autres formes d’irresponsabilité comme la légitime défense.
Article 122-9 du Code Pénal : « Il n’y a ni crime ni délit ni préjudice indemnisable lorsque les faits consistent uniquement à collecter et diffuser des informations de quelque nature que ce soit dans le seul but de dénoncer aux autorités compétentes ou auprès des citoyens des crimes, des délits ou des infractions aux règles internationales ratifiées. »
Ajout d’un alinéa à l’article 1383 du Code Civil : « Nul n’est responsable des dommages causés à un tiers dès lors que les faits ont consisté uniquement à collecter et diffuser des informations de quelque nature que ce soit dans le seul but de dénoncer aux autorités compétentes ou auprès des citoyens des crimes, des délits ou des infractions aux règles internationales ratifiées. »
Retrouvez cet article dans le recueil Soyons des individus Solidaires.