Si la nourriture est vitale, le repas ajoute au fait de manger une dimension sociale et relationnelle. Même si le repas se prend seul, c’est en soit un signe d’exclusion sociale ou d’isolement. Avec qui il se prend, dans quelles conditions, en mangeant quoi… toutes ces questions sont fondamentales dans un rituel qui va bien au delà de la seule prise de nourriture.
Dans beaucoup de mes livres, il y a des scènes de repas. Et ces scènes en disent par conséquent beaucoup sur les personnages et les relations entre eux. C’est même souvent le seul objet de ces scènes, la seule raison de leur présence dans le récit.
Même dans le comique Saigneur des Agneaux, le héros vampire se doit de prendre des repas liés à sa nature. Mais, dès lors qu’il vit avec une humaine normale, il va devoir adapter sa prise de nourriture et les circonstances de celle-ci. Cela marque pour lui un vrai retour dans la société des hommes. Les habitudes alimentaires des extra-terrestres dans Les pionniers d’outre-lumière et Star Peace sont également l’occasion de scènes descriptives qui caractérisent des personnages et leur évolution sociale.
De la même façon, dans Les Mondes de Leen, les repas marquent les relations entre Leen et sa tante en contrepoint de la relation entre la petite fille et ses parents. Et le premier monde qu’elle visitera sera centré sur un conflit autour d’un repas. Le rôle du chocolat sous toutes ses formes a aussi une grande importance dans Les Contes de la Forêt Magique.
Restons-en désormais aux humains ordinaires.
Dans Douze Mois, la nourriture est l’objet central du mois de Février même si d’autres repas sont pris par les personnages. Plus récemment, les repas font partie des relations de séduction ou des négociations entre personnages dans le policier La Tour Bleue.
Mais le roman où les repas sont les plus importants est probablement Le Violon. En effet, l’essentiel du livre repose sur ces repas, seuls moments où les personnages vont se rencontrer et s’affronter. Elle a été séduite et droguée au cours d’un repas dont le menu sera le même -volontairement, tel un rituel de désenvoutement- que le repas final. Et, pendant qu’elle sera enfermée, lui ne pourra la voir qu’à l’occasion des repas.
Je n’ai pris là que quelques exemples emblématiques. Je voulais surtout vous faire sentir l’importance de ces scènes, parfois incomprises par certains lecteurs. Par sa dimension sociale, le repas joue un rôle essentiel dans les rapports humains. Il est normal que, dans un roman, cette dimension soit également présente.