Très objectivement, nos ancêtres travaillaient bien plus que nous. Pour des résultats nettement plus médiocres. Notre niveau de vie est donc bien supérieur au leur pour des efforts quotidiens bien moindres.
Doit-on regretter les temps anciens ? Ou bien admettre que le travail ira sans cesse décroissant pour satisfaire nos besoins ? Avec, en corollaire, la généralisation du chômage comme fait civilisationnel.
Nikolaï Kondratiev, Joseph Schumpeter et bien d’autres sont régulièrement invoqués, le plus souvent à tort, pour expliquer combien le chômage est temporaire, lié à une mauvaise politique ou à une mauvaise conjoncture. Le progrès technique finit toujours par relancer une croissance économique, le temps que le dit progrès soit généralisé. Sauf que c’est faux, comme la plupart des slogans répétés ad nauseam par des pseudos-économistes ou des économistes dogmatiques anti-scientifiques.
Les soi-disant économistes restent dans un monde mathématique qui ne s’encombre pas de la réalité. Or, la réalité, c’est de cela que l’économie parle. Ou, du moins, devrait parler. Invoquer des « externalités » pour expliquer qu’une théorie n’a pas produit les prédictions correspondant aux faits ultérieurement constatés, c’est du charlatanisme. La science, c’est analyser des faits, en tirer des lois, faire des prédictions liés à ces lois et constater la réalisation de ces prédictions… ou en déduire que les lois sont fausses. Il n’y a pas d’externalité en sciences.
Dans le cas qui nous occupe, nous ne pouvons que constater que le chômage augmente, quelque soit la politique suivie. Et qu’il y a une raison simple à cela : nous n’avons plus besoin d’autant de masse de travail.
Une des solutions adoptées devant ce constat a été de réduire le temps de travail. Sauf que cette réduction individuelle du temps de travail reste très insuffisante pour compenser l’augmentation de productivité réelle technologique. Et qu’elle se heurte à une limite : celle de la parcellisation des tâches. Il arrive qu’il soit plus compliqué de répartir le travail que de le concentrer entre des mains uniques. Voire trop compliqué.
Jusqu’à une époque récente, la croissance économique compensait la croissance de la productivité au travers des cycles technologiques. Mais c’était avant que les besoins humains soient globalement tous satisfaits et que les ressources limitées de notre planète nous limite dans notre croissance de consommation. Un nouveau joujou technologique, et même une révolution technologique, n’aura désormais plus qu’un effet de bord.
Un deuxième phénomène a en effet anéanti les possibilités de reprise de l’emploi : l’automatisation. Même en cas de révolution technologique, celle-ci est désormais opérée par des machines. Il n’y a plus de création d’emploi.
Sommes-nous donc condamnés à voir sans cesse s’accroître le chômage ? Pourquoi est-ce que cela serait une condamnation ? Qui se plaint de ne plus avoir à frapper des silex pour créer du feu ? Qui se plaindrait de ne plus avoir de travail, en dehors de la question des revenus ?
Et si le chômage de masse n’était qu’une étape vers le chômage général ? Une étape douloureuse, certes, mais une étape.
Peut-on envisager une société où le travail serait finalement rare ? Et où le commun des mortels ne travaillerait pas ? Seule une élite continuerait à travailler.
La production, elle, persisterait évidemment. Mais sous la responsabilité de machines auto-réparatrices. Et d’experts, les quelques rares travailleurs restant.
La répartition de la production, elle, obéirait comme aujourd’hui à une répartition par la monnaie. Donc à une sorte de revenu universel réel, pas une indemnité de survie.
Un tel bouleversement économique serait lié nécessairement à un vrai bouleversement civilisationnel. La place du travail serait évidemment bouleversée dans la morale sociale. Et le capitalisme aboutirait alors à sa limite.
Le sujet mérite que des auteurs d’anticipation se penchent sur le sujet, pour définir les nouvelles règles sociales, les nouveaux fonctionnements, les nouvelles morales, les nouvelles idéologies… Je le ferai sans doute un jour mais je dois avouer que, pour l’heure, j’ai beaucoup plus de questions que de réponses possibles.