Entre les murs : Il était une fois au collège

Affiche du film “ Entre les murs", de Laurent Cantet.Entre les murs, de Laurent Cantet, avec François Bégaudeau.

Entre les murs, de Laurent Cantet, avec François Bégaudeau, a obtenu une Palme d’Or au soixante-et-unième Festival de Cannes, à l’unanimité d’un jury présidé par Sean Penn. Il suit un jeune enseignant de français durant toute une année avec une classe précise de quatrième. On ne voit rien de ce qui se passe au dehors du collège, que ce soit pour les élèves comme pour le professeur. On reste ainsi entre les murs d’une classe. Les tranches de vies ainsi sélectionnées s’enchainent pour construire le portrait de cette petite collectivité.

Ce film tient bien sûr d’une part de l’exercice de style, d’autre part du film social. On peut gloser à l’infini sur l’intérêt d’accorder une Palme d’Or à un film réalisé avec si peu de moyens, dont le scénario est basique et la plupart des acteurs amateurs. S’il y a quelques longueurs ressenties, surtout au début de la projection, l’art consiste ici justement à intéresser, à attendrir ou à provoquer diverses autres émotions chez le spectateur.

Et en ce sens, Entre les murs est clairement une réussite, au contraire d’autres films « à caractère social » qui n’avaient vocation qu’à nourrir leurs réalisateurs tout en réunissant de nombreuses récompenses (La question humaine, de Nicolas Klotz, est le meilleur exemple de ce genre de films nuls alignant les banalités avec une réalisation affligeante et un scénario squelettique mais qu’il convient de glorifier dans certains milieux). L’originalité de l’approche d’Entre les murs peut rebuter mais force est de constater qu’il n’est pas nécessaire d’aimer le boboisme bien-pensant pour apprécier réellement ce film.

Martyrs, de Pascal Laugier : Les témoins

Martyrs, de Pascal Laugier, avec Morjana Alaoui et Mylène Jampanoi

Le problème, avec Martyrs (de Pascal Laugier, avec Morjana Alaoui et Mylène Jampanoi), c’est qu’il faut pouvoir rester jusqu’à la fin. Inutile de préciser que l’interdiction aux moins de 16 ans ne se discute pas, sauf pour se demander si 18 ans n’aurait pas été plus adapté…

Voilà donc une fillette de dix ans, abandonnée ou orpheline, disparue, qui parvient à s’évader d’un endroit où elle était torturée mais sans aucun sévice sexuel. Elle est recueillie dans une institution où elle se lie d’amitié avec une autre jeune fille. Pratiquement amnésique, elle reconnait malgré tout, quinze ans plus tard, ses bourreaux sur une photographie parue dans un journal et les tue. Son amie d’enfance, sa confidente, la rejoint alors. Elle aurait mieux fait, peut-être, de s’abstenir : nous ne sommes alors qu’au tiers du film. Mais l’histoire n’aurait pas eu le même intérêt…

Le scénario est diabolique à souhait, les rebondissements s’articulant parfaitement. Pas de ce crime affreux pour un scénariste qu’est le Deus Ex Machina : tout est parfaitement huilé. Et sanglant. Dans la même veine que A l’Intérieur (de Julien Maury et Alexandre Bustillo, avec Alysson Paradis et Béatrice Dalle), Martyrs est un vrai film gore à la française : le sang coule avec abondance, oui, mais mêlé avec du jus de méninge (au sens propre comme au figuré, d’ailleurs). La violence est plus encore psychologique et philosophique que physique.

Ajoutons que la réalisation est soignée, notamment les éclairages et les mille détails indispensables pour un bon film d’horreur. Les deux actrices principales sont, par ailleurs, remarquables, tant dans les scènes de folies que celles de souffrance ou celles plus normales.

Tout le problème pour le spectateur est de résister sans devoir aller vomir. Tous n’y parviennent pas et de nombreux spectateurs sortent à divers moment de la projection. La fin mérite pourtant l’effort. Particulièrement la chute des plus inattendues.

Rappelons simplement que « martyr » signifie étymologiquement « témoin » et non pas « personne qui souffre ». Rien n’est plus éloigné, finalement, d’un martyr qu’une victime.