Le 14 juillet est le jour de la fête nationale française depuis une loi dite « Raspail » du 6 juillet 1880. La loi ne précise pas ce qui est ainsi célébré. Elle entretient donc un flou qui sera largement utilisé ensuite, notamment pour alimenter les imbécilités des révolutionnaires de salon.
J’utilise pour illustrer ce billet le très célèbre tableau d’Eugène Delacroix, « La liberté guidant le peuple« . Ce tableau a été largement détourné de nombreuses fois : il célèbre le renversement de Charles X et l’avènement de Louis-Philippe 1er lors de la révolution de 1830. Les ambiguïtés voire les mensonges des récupérations m’ont incité à utiliser à contre-sens le dit-tableau pour dénoncer d’autres contre-sens.
D’abord, c’est quoi une révolution ? C’est une rupture de l’ordre institutionnel par l’action du Peuple. Quand le gouvernement est renversé par une action violente anti-institutionnellle mais limitée à des conjurés, c’est plus un coup d’Etat qu’une révolution. En principe, une révolution s’effectue avec l’usage d’une certaine force, voire une guerre civile. Il y a cependant de nombreux contre-exemples, plutôt dans d’autres pays que la France. Lorsqu’un gouvernement établi selon certaines institutions décide du changement de celles-ci, ce n’est pas une révolution : il y a continuité mais évolution. Ce qui va réellement déclencher la révolution de 1789, c’est donc le Serment du Jeu de Paume.
Le 14 juillet 1789 est un événement certes violent mais qui n’a pas l’ampleur qu’on veut parfois lui donner : c’est un déclencheur, un départ, pas (encore) une révolution. Et ce qui va terminer la première révolution est la Fête de la Fédération un an plus tard : de nouvelles institutions existent et la Nation se rassemble. En général, on ne distingue pas les différentes révolutions qui vont ensuite s’enchaîner jusqu’à l’avènement de Napoléon Bonaparte, qualifiant l’ensemble de la période de « révolutionnaire », ce qui est abus de langage. Le Directoire, notamment, est un gouvernement stable post-révolutionnaire. Le 18 Brumaire est un coup d’Etat, pas une révolution.
Pour les révolutionnaires de salon, la révolution est un devoir face à l’oppression, surtout quand celle-ci est imaginaire. Ils citent régulièrement l’article 35 de la Constitution du 24 juin 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Ils ne savent pas plus lire le texte qu’ils invoquent que les membres de la NRA ne savent lire le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis. Dans les deux cas, il s’agit d’empêcher qu’un gouvernement puisse imposer une tyrannie (éventuellement se muer en tyrannie), c’est à dire un pouvoir imposé par la force et non-consenti.
Or, dans les deux cas, ceux qui l’invoquent le font précisément pour établir une tyrannie. Quand le Peuple vote librement et désigne librement ses dirigeants, il n’y a aucune tyrannie. Que les représentants d’une révolution imbécile perdent les élections est juste une preuve de la sagesse populaire. Cela ne donne aucunement le droit de renverser le gouvernement. Le tenter ou y parvenir sera peut-être une révolution menée par une minorité mais, en cas de succès, elle aboutira à une tyrannie exercée par cette minorité.
En démocratie, aucune révolution n’est légitime.