Début novembre 2023, la tempête Ciaran s’est abattue sur la France. Encore une fois, le réseau électrique a beaucoup souffert, entrainant de nombreuses coupures. Encore une fois, aucun enseignement n’en est tiré : cela est jugé comme une fatalité. A l’heure du réchauffement climatique qui provoque la multiplication des fortes tempêtes, c’est ennuyeux.
Nous vivons à une époque où l’électricité est nécessaire, indispensable, consubstantielle à notre vie quotidienne. Pas d’électricité, c’est en effet, en premier lieu, la fin des entrepôts frigorifiques et des réfrigérateurs, bref la famine à brève échéance. C’est la fin des communications, donc de toute organisation à grande échelle (les systèmes de secours seraient nécessairement réduits). La lecture du début de Ravage, de René Barjavel, donne un petit aperçu sous-estimé (le roman a été écrit à l’orée de la seconde guerre mondiale). Quand une petite zone, seule, est touchée, on peut la secourir. Mais l’avertissement existe.
Dans Dérive Mortelle, j’ai imaginé une attaque terroriste entrainant la destruction du réseau électrique à l’échelle du pays tout entier. Le schéma que je décris est réaliste. Un autre scénario encore pire et plus évident est celui d’une guerre, sur le modèle de celle en Ukraine par exemple. Quelques bombardements sur les lignes haute-tension et le pays est à genoux.
Cette fragilité est inhérente au modèle de réseau électrique actuel. Dans Dérive Mortelle, la prise de conscience de la menace entraîne une alliance curieuse entre un sénateur, sorte d’écologiste fantasque, et un ministre de l’intérieur digne de sa fonction. Bien évidemment, ce modèle est d’autant plus fragile que le réseau est centralisé, c’est à dire construit autour de quelques centrales, nucléaires notamment.
Lorsque des nucléocrates envisagent l’arrivée des énergies renouvelables, c’est toujours sur le modèle de la centrale et du réseau à tension constante. Or les énergies renouvelables ne sont généralement pas pilotables, c’est à dire qu’elles produisent quand elles produisent, sans lien avec la consommation effective d’énergie. Elles ne sont donc vues que comme un supplétif à des énergies pilotables, le nucléaire par exemple. Et toujours sous la forme d’installations gigantesques et centralisées : parcs d’éoliennes de dizaines de mètres de diamètre, champs de panneaux solaires, etc. De même, quand on envisage un stockage, c’est toujours dans de gigantesques batteries (avant de se rendre compte que ce type d’installation est pratiquement impossible à construire sans d’immenses risques, coûts et fragilités).
Dans Dérive Mortelle, j’explique les fragilités de ce modèle, à l’origine de la catastrophe annoncée.
Quelle alternative doit donc être envisagée ? Eh bien, l’exact inverse du réseau centralisé à tension constante. Comme il est expliqué dans Dérive Mortelle, il faut une production au plus près de la consommation, renouvelable donc non-pilotable, avec du stockage domestique ou quasi-domestique (par immeuble ou quartier), en grande proximité. De ce fait, même si un réseau persiste pour alimenter les batteries domestiques, celles-ci assurent le stockage nécessaire pour plusieurs jours de consommation. Et la production locale, même insuffisante dans l’absolu pour couvrir l’ensemble des besoins, permet un fonctionnement au pire en mode dégradé sans limitation de temps, donc avec le délai nécessaire à la réparation du réseau. Ce réseau d’alimentation, du coup, n’a plus besoin d’être à tension constante, donc peut être alimenté uniquement par des sources d’énergie non-pilotables. Les appareils domestiques sont, eux, dans ce modèle, alimentés à partir des batteries.