Ecrire sur Israël est dangereux car les Sionistes sont prompts à accuser d’antisémitisme et de racisme quiconque ose les critiquer. Cette double accusation, alors que l’antisémitisme n’est qu’une forme de racisme, est d’ailleurs la marque de l’extrémisme sioniste.
Mais, alors qu’Israël existe depuis des dizaines d’années puisqu’il est né avec le vote du plan de partage de la Palestine mandataire le 29 novembre 1947, et que des guerres permanentes sont menées autour de son existence même, un bilan semble nécessaire.
Rappelons tout d’abord que le sionisme, doctrine à l’origine de la création d’Israël, n’a aucun lien avec la Shoah (1933 – 1945) : c’est une idéologie nationaliste et religieuse qui s’est développée au dix-neuvième siècle. Dès cette époque, les Sionistes achètent des terres en Palestine et créent les premières communautés juives d’immigrés sur ce territoire ottoman, avec une logique pacifiste et socialiste (communiste même, au sens de la Commune de Paris), en harmonie avec les tribus arabes.
Dès le départ, le sionisme est au coeur de nombreuses polémiques.
Les juifs constituent-ils un peuple ayant de ce fait un droit à un état, dans la logique des états-nations instituée par la Révolution Française ? C’est le premier point de discorde. La réponse de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) à ce sujet a clairement été « non », celle des sionistes « oui ».
Sur le plan historique, l’ethnie des Hébreux a cessé d’exister lors de sa dispersion finale par les Romains mais, déjà, cela faisait plusieurs siècles que les hébreux étaient dispersés, des communautés juives étant implantées un peu partout autour de la Méditerranée.
Si chaque Juif a normalement une ascendance hébraïque, ce n’est pas nécessairement le cas (il peut y avoir des conversions) et, heureusement pour la lutte contre la consanguinité, les Juifs se mélangent à tous les peuples au milieu desquels ils s’implantent (certains chefs sionistes sont ainsi de parfaits modèles du Grand Blond aux Yeux Bleus…). Parmi les conversions massives importantes pour l’Histoire, il faut mentionner le cas très intéressant des Turcs Khazars qui n’ont aucun lien de sang avec les anciens hébreux.
Faute d’être une ethnie, le Peuple Juif constitue-t-il une Nation ? Il y a certes un destin plus ou moins commun à l’ensemble des Juifs mais la subtilité de ce débat en fait souvent rejeter les termes mêmes par tous les anti-sionistes. Paradoxalement, c’est la tentative de génocide (la Shoah) qui donnera sa légitimité au concept de « nation juive » sur le plan international (le concept était bien sûr admis d’entrée de jeu par les Sionistes).
En admettant qu’il existe une « nation juive », celle-ci a-t-elle des droits « nationaux » en Palestine ? Là, ça se gâte… Du point de vue du droit international, jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, la réponse est clairement négative : pour avoir des droits sur un territoire, il faut commencer par y résider à l’instant où l’on fait valoir ses droits. Si tous les descendants de peuples de l’antiquité se mettaient à pouvoir réclamer des terres où leurs lointains et supposés ancêtres résidaient, il faudrait que la France, au nom des Gaulois (dont les Français sont les descendants comme chacun sait), envahisse la Hongrie et l’Italie du Nord puis en chasse les usurpateurs hongrois et italiens car les cavaliers gaulois habitaient dans cette région à l’époque où les Juifs Hébreux résidaient en Palestine… Y’a pas de raison !
A l’inverse, la démarche sioniste a fait naître une « minorité juive » en Palestine. C’est sur la base de cette constatation que l’ONU a déclaré le droit à l’existence d’Israël dans les régions où les Juifs étaient majoritaires et dans le cadre d’un processus de décolonisation. C’est le même principe qui conduit actuellement le Kosovo sur le chemin de l’indépendance : sa « minorité » albanaise est, dans cette province historiquement serbe, majoritaire. Les Palestiniens ont l’impression de s’être fait avoir par des immigrés juifs, comme les Serbes par les Albanais. Mais, n’en déplaise à tous les nationalistes, les peuples bougent et les frontières aussi.
Les sionistes extrémistes ne se contentent pas de frontières « légitimes » mais veulent l’ensemble de l’ancien royaume de David. Cette position n’a aucune justification acceptable : le royaume de David reste largement légendaire (il n’est mentionné dans aucun texte égyptien, sumérien ou babylonien alors qu’il est situé sur le terrain de jeu de tous les empires de l’époque !), et même si le Roi David a disposé d’un immense empire, c’est vieux de plus de 2000 ans et la légitimité de la reconstruction de celui-ci est similaire à celle de la reconstruction de l’Empire Romain voulue par Mussolini.
Nous devons, de plus, refuser de donner la moindre légitimité à une revendication religieuse qui, même elle, fait l’objet de débats : Ben Gourion ne semble en effet pas être le Messie et n’était donc pas en droit de proclamer la renaissance de l’Etat Juif.
Enfin, le sujet qui pose problème, c’est bien sûr l’appel à tous les Juifs du monde pour qu’ils immigrent en Israël. Chaque état est libre de sa politique migratoire, ce qui est un point essentiel de sa souveraineté, mais (« ta liberté s’arrête là où commence celle des autres ») à condition que cette politique n’implique pas d’envahir les voisins pour loger tout le monde… Sur ce plan, Israël est condamnable au même titre que les Etats-Unis qui ont envahi les territoires indiens pour faire venir des immigrés du monde entier et notamment d’Europe (ce rappel historique permet de souligner que la Shoah n’a rien d’unique, sauf au niveau de la technologie employée : les génocides ayant massacré une grande partie de peuples, y compris avec déportations, sont légions dans l’Histoire).
Il reste que le principal problème d’Israël, c’est le peuple palestinien. Si le territoire revendiqué était vide, il n’y aurait aucun problème.
Lorsque les sionistes ont immigré en Palestine, les Palestiniens étaient là avant eux (tout comme, déjà, une minorité juive autochtone). Leur légitimité sur place est donc incontestable, sauf pour des juifs racistes et extrémistes qui se croient dotés de privilèges sur une « Terre Promise ». Tout comme les Alsaciens et les Lorrains ayant fui les combats en 1940 se sont retrouvés empêchés de rentrer chez eux par les Nazis et remplacés par des colons, les Palestiniens ayant fui les combats en 1947 se sont retrouvés empêchés de revenir chez eux par les sionistes. Dans les deux cas, c’est inacceptable : il s’agit d’une atteinte à la propriété privée. Cette première entorse a empêché la réconciliation entre Arabes et Juifs en 1948, après l’armistice d’une courte guerre d’indépendance, très classique par ailleurs (il s’agissait de savoir à qui appartiendrait chaque miette de l’ancien Empire Ottoman sous mandat pseudo-colonial britannique). Que les dirigeants arabes (non-palestiniens d’ailleurs) aient utilisé ce conflit et l’ait attisé, cela ne fait aucun doute. Mais refuser le retour des réfugiés a marqué l’échec initial, le péché originel, d’Israël.
La paix aurait sans doute été possible si les Sionistes avaient accepté de reconnaître leurs droits aux non-Juifs (les palestiniens étaient à l’époque pour moitié chrétiens et pour moitié musulmans, cette deuxième moitié, plus pauvre, ayant moins eu l’occasion de partir à l’étranger, elle reste en première ligne). Mais cela aurait signifié renoncer à la reconstruction du royaume mythique de David.
Côté arabe, l’époque n’était pas encore à l’extrémisme musulman mais plutôt au socialisme nassérien, et au delà de la rhétorique qui agite tous les chefs nationalistes en période de décolonisation, personne n’aurait eu intérêt à soutenir longtemps un refus de l’existence d’Israël.
L’existence des réfugiés a tout changé… Ils devinrent le prétexte et l’outil de toute une série de conflits : par délégation entre Etats-Unis et URSS, entre ex-puissances coloniales, entre Nassériens et Frères Musulmans au nom d’une surenchère entre la « solidarité arabe » ou la « défense des lieux saints »…
Le plus drôle (si l’on peut dire), c’est que la propriété privée des réfugiés a été défendue par des socialistes et niée par des alliés des Etats-Unis !
Mais comment sortir du conflit ? Tant que chacun restera sur ses positions, c’est impossible. Yasser Arafat avait l’autorité morale du chef de guerre pour imposer la paix à son camp, même dans les frontières de 1967 (environ les deux-tiers du territoire palestinien initial de 1947). Les Sionistes extrémistes firent tout pour le ridiculiser et l’affaiblir (notamment en l’empêchant de s’armer, ce qui l’affaiblit face au Hamas). Ils se retrouvent aujourd’hui face à tous les extrémismes palestiniens possibles qui jouent leurs places au pouvoir dans la surenchère anti-israélienne ! Qui sème le vent, récolte la tempête…
Pour signer la Paix, il faut un chef. Les Palestiniens n’en ont plus, tous ayant été tués ou ridiculisés par les Sionistes. C’est une erreur stratégique majeure que même Hitler n’avait pas commise en France (il avait veillé à serrer la main du maréchal Pétain pour stabiliser la situation).
La paix sera donc forcément unilatérale et avec la caution de tous les voisins d’Israël. Or l’entité sioniste refuse de reconnaître les droits palestiniens les plus basiques et est donc, au sens propre, raciste en refusant l’égalité de traitement entre Juifs et Arabes.
Israël, depuis sa naissance, refuse ainsi la paix (même si cet Etat n’est pas seul dans son refus…), donc le partage de la Palestine historique selon les frontières de 1947 (avec négociation possible) ou la citoyenneté égale en droit entre Juifs et Arabes.
Tant qu’il en sera ainsi, toutes les conférences internationales n’auront aucune utilité. Il faut d’abord forcer Israël à accepter la paix, comme cela a été fait contre l’Afrique du Sud. Les deux situations sont en effet très similaires : dans les deux cas, une moitié de la population est opprimée sur une base raciste, et une autre moitié vit dans une relative démocratie. Les sanctions croissantes amènent tant d’inconvénients à la moitié dominante que les urnes poussent rapidement à la paix.
Retrouvez cet article dans le recueil Soyons des individus Solidaires.