L’emblématique patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a une certitude : l’avenir du web est le metaverse (ou metavers en Français, meta-univers / meta-universe). De quoi s’agit-il ? D’un univers virtuel où les utilisateurs se promènent et interagissent sous forme d’avatars. Pour une fois, je vais lui donner (presque) raison. C’est l’occasion de revenir sur quelque chose qui peuple mon univers, Emenu (MNU, Multi-Node Universe), et qui est notamment au coeur de mon roman Apotheosis (mais pas seulement).
Cependant, et on le voit dès la création d’Emenu dans Carcer, le principe de base d’Emenu est à l’inverse des intentions de Mark Zuckerberg. La tentative de « facebookisation » d’Emenu sera d’ailleurs à l’origine d’une protestation avec occupation du site de construction d’un datacenter dans Dérive mortelle (le sujet n’apparait que sur l’île, à la fin).
Emenu est en effet un ensemble de « noeuds » connectés les uns aux autres mais indépendants. Il est par nature décentralisé, comme le web. C’est en effet avant tout un outil de stockage et de partage de documents (au sens le plus large du mot) remplaçant à la fois le web HTML classique, Facebook et Google. C’est donc tout l’inverse de la logique centralisée de Facebook.
J’ai estimé, lors de la création d’Emenu en 2007 dans Carcer, que l’interface sous forme de metaverse serait plus « cool ». Cette nouvelle ergonomie était particulièrement intéressante à bien des égards et pouvait être un « avantage concurrentiel » notable par rapport au web classique. Un tel avantage faciliterait l’adoption et la migration des utilisateurs, y compris novices ou peu technophiles. Une telle interface n’était pas nouvelle, aussi bien dans la fiction (le roman « Snow Crash » de Neal Stephenson, paru en 1992, par exemple) que dans la réalité (avec Second Life par exemple).
Mais il ne faut pas oublier que le metaverse n’est que cela : une interface. Dans son article sur Second Life, Wikipedia rappelle que les analystes prévisionnistes gourous voyants sans mémoire (pour vérifier leurs prévisions antérieures) ni honte (ne jamais s’excuser des innombrables erreurs est un principe) du Gartner prévoyaient en 2007 que, en 2011, 80% des utilisateurs auraient une « seconde vie » virtuelle. Raté, encore une fois. Car l’interface est une chose mais l’essentiel est le service rendu. Faute de pertinence sur le fond, Second Life n’a jamais eu d’intérêt réel. Si le metaverse de Mark Zuckerberg est une nouvelle manière de « faire du Facebook » en vendant au passage des casques de réalité virtuelle (Occulus au premier chef, bien sûr), pourquoi pas ? Mais y aura-t-il un avantage consommateur suffisant pour justifier l’acquisition de matériel (comme un casque de réalité virtuelle) ? Il y a cependant une certitude : cet univers virtuel centralisé restera un danger pour les libertés individuelles, la souveraineté et la sécurité publique, autant que le Facebook actuel, juste en plus « fun ».
Moi, je rêve encore. Et si, un jour, Emenu existait pour de bon ? Je vous laisse relire la post-face d’Apotheosis qui décrit en détail la chose, y compris sur le plan économique.