Ce week-end du 8-9 avril 2023 est celui de la fête la plus importante du Christianisme : Pâques. Calquée sur la Pessah juive, elle est aussi une fête du passage. Les Juifs célèbrent la sortie d’Egypte et, comme n’importe quel autre juif, Joshua Ben David (dit Jésus) a célébré Pessah au cours du repas appelé Cène (du « cena » latin, souper), si bien imaginé par Léonard de Vinci. Jésus, quant à lui, va être arrêté dans la nuit suivant la Cène, condamné et exécuté comme agitateur avant de revenir parmi les vivants le dimanche, soit le troisième jour en comptant comme les Juifs (de coucher à coucher de soleil).
Un hasard de calendrier a fait se terminer quelques jours plus tôt les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Ces deux sujets sur la vie et la mort se télescopent donc dans l’actualité. Si Jésus a choisi de ne pas se dérober à son exécution, d’autres (dont moi) veulent choisir tout autant leur fin de vie.
Choisir sa fin de vie, c’est pouvoir choisir de mourir au lieu de souffrir et de faire souffrir. On l’oublie souvent mais, lorsqu’un proche souffre ou est impotent, son entourage en souffre soit moralement soit même physiquement par les épreuves endurées (devoir s’occuper de quelqu’un qui se meurt peut être très éprouvant). Pour celui qui se meurt, la mort peut être un soulagement face à l’inutile souffrance.
Il convient de distinguer deux choses. Tout d’abord, il y a l’euthanasie : la personne concernée n’est plus en mesure d’avoir la moindre volonté sur le moment et le soin n’a plus de sens. Le but est la fin de la souffrance. En France, aujourd’hui, l’euthanasie est lente, via la sédation dite profonde. En gros, c’est une anesthésie jusqu’à ce que mort s’en suive. Augmenter progressivement les doses de calmants, jusqu’à provoquer le coma, peut avoir un sens : permettre des adieux, de finaliser des dernières volontés… La deuxième manière de procéder est le suicide, c’est à dire un acte volontaire pour mettre fin à sa propre vie. Or la personne concernée n’est pas nécessairement en mesure de mettre fin aisément à ses jours. Une assistance permet alors d’assurer une mort douce et sans ratage. Cette assistance au suicide n’est pas acceptée aujourd’hui en France. La Convention citoyenne sur la fin de vie a souhaité faire évoluer la Loi à ce sujet.
J’ai écrit, il y a quelques temps, un roman sur ce sujet : Une dernière semaine auprès de la mer. Les personnages, pour la plupart, viennent terminer leur existence, pour diverses raisons, dans un établissement dédié. Le roman permet de suivre leur histoire ou, plutôt, la fin de leur histoire.
Les intégristes religieux sont hostiles à la possibilité de ce choix. Les intégristes chrétiens sont particulièrement vindicatifs. Il s’agit, pour eux, de lutter contre une liberté car la liberté (celle-ci ou toute autre) est contraire à leur vision totalitaire. Pourtant, Jésus nous a montré le chemin : il ne s’est pas dérobé à son destin. Il a activement choisi un chemin le menant à la mort. Avec un objectif selon la Tradition chrétienne : ressusciter. Selon la doctrine chrétienne, la mort débouche en effet sur une résurrection sans souffrance. Il en résulte qu’assumer son destin, choisir de ne pas souffrir et faire souffrir, est une voie aussi pour cette résurrection.
Les intégristes détestent La dernière tentation du Christ. Ce roman de l’écrivain grec Níkos Kazantzákis paru en 1954 présente l’ultime tentation faite par Satan à Jésus (après la richesse, le pouvoir, etc.) : renoncer à son destin, devenir un homme ordinaire, se marier avec Marie-Madeleine, avoir des enfants… Bien entendu, Jésus résiste finalement à cette tentation là comme aux autres. Mais ce fut la pire des tentations. En expirant sur la croix, il assume son destin, il choisit la mort. Pourquoi vouloir interdire aux humains de suivre son exemple ?