Les modes de scrutins pour désigner les membres du Parlement français sous la Cinquième République n’assurent aucune spécificité utile aux chambres et une très mauvaise représentation des nuances politiques. Il en résulte une abstention importante. En adoptant des scrutins appropriés, la représentativité du Parlement serait améliorée et l’implication des citoyens dans la vie politique sans doute également.
La République Française, cinquième du nom, dispose d’un parlement de deux chambres, Assemblée Nationale et Sénat, avec une « troisième chambre » à la marge, le Conseil Economique, Social et Environnemental.
Cette « troisième chambre » a une utilité réelle proche de zéro et un mode de désignation de ses représentants particulièrement opaque alors que ses rapports -souvent négligés avant qu’il ne soit trop tard- prouvent une utilité à ses travaux. Le Sénat est élu de manière indirecte et, lorsqu’il n’est pas de la même majorité que l’Assemblée Nationale, son utilité est également nulle puisque l’Assemblée Nationale a le dernier mot. Enfin, cette Assemblée nationale est aujourd’hui désignée par un scrutin de territoires, donc elle ne mérite pas son nom de « nationale », et au mode majoritaire à deux tours, ce qui empêche toute représentation nuancée.
Je propose de créer un parlement de trois chambres où chaque chambre a un rôle précis et un mode de désignation par un scrutin universel direct.
Assemblée Nationale : représenter les opinions
Je propose que l’Assemblée Nationale représente les Français par leurs opinions politiques, avec les nuances nécessaires mais sans nuire à la création d’une majorité. Le vote serait donc par listes au premier tour proportionnel et au second tour majoritaire.
Pourquoi par listes ? On voit régulièrement (le scrutin de 2017 en est la caricature) que c’est bien l’étiquette politique du candidat qui compte et pas le candidat lui-même. De plus, le vote doit permettre une véritable représentativité et une forte compétence des élus. Les profils les plus importants seraient donc placés en tête de liste afin d’être élus en premier et on pourrait imposer une alternance stricte homme/femme, une certaine proportion de chaque catégorie sociale, etc.
L’Assemblée Nationale serait donc composée de 400 députés (577 aujourd’hui).
300 sièges seraient disponibles au premier tour proportionnel. Toutes les listes dépassant un seuil de 5 % obtiendraient donc un siège tous les tiers de pour-cent. Les sièges non-affectés par ce mécanisme à cause des listes éliminées (moins de 5%) ou des arrondis seraient reportés sur le second tour, avec les 100 sièges restant.
Au second tour, seules les deux listes arrivées en tête seraient admises. Avec la barre assez haute de 5 % du premier tour, ce mécanisme empêche la multiplication de listes sans nécessité tout en permettant aux nuances nécessaires de s’exprimer. Pour éviter les magouillages d’appareils politiques, les listes ne pourraient pas être modifiées entre les tours. Et tous les sièges restant (au moins 100 donc) seraient attribués à la liste arrivant en tête de ce second tour.
La majorité absolue étant positionnée à 201 sièges, une liste pourrait l’avoir seule en ayant 100 sièges au premier tour (33 % des voix au moins) et en remportant le second (50 % des voix au moins). On peut abaisser le seuil de majorité absolue en modifiant la répartition entre premier et second tour. Une répartition 250/150 abaisse ainsi ce seuil à 20 % au premier tour (1 siège tous les 0,4 %).
Accessoirement, le scrutin de liste permet de remplacer facilement un député « empêché » (devenant ministre, décédant, etc.). Il suffit en effet de prendre le premier non-élu de la liste à cette fin. Quand l’empêchement cesse, le député peut reprendre sa place et le dernier entré redevenir suppléant.
Sénat : représenter les territoires
A l’inverse de l’Assemblée Nationale, le Sénat serait désigné par un scrutin direct majoritaire à deux tours, comme aujourd’hui l’Assemblée Nationale, mais avec des circonscriptions sénatoriales larges (représentant environ un demi-million d’habitants, à 10 % près), chaque circonscription désignant plusieurs sénateurs renouvelés à des moments différents pour éviter les effets de bascule de majorité trop violents et, surtout, bien représenter les territoires et non les modes idéologiques du moment.
De plus, chaque région disposerait, quelque soit sa population, d’au moins une circonscription sénatoriale, donnant un poids majoré aux régions d’outre-mer. Et, sauf dans les très grandes villes, aucune commune ne pourrait être découpée entre plusieurs circonscriptions. Enfin, une circonscription représenterait les « Français de l’étranger ».
Selon ce mécanisme, il y aurait environ 120 circonscriptions. En attribuant un mandat de six ans aux sénateurs avec un renouvellement par tiers tous les deux ans, on arrive à environ 360 sénateurs (348 aujourd’hui).
Un vrai Conseil Economique et Social
L’article 69 de la Constitution de 1958 donne un rôle consultatif au Conseil Economique et Social (devenu « et environnemental » en 2008). Aujourd’hui, ses 233 membres sont désignés à partir d’organisations de moins en moins représentatives.
Je propose de faire de ce conseil une vraie troisième chambre du Parlement, intégrée à la navette parlementaire, avec droit d’amendement. Et ses membres seraient donc élus au scrutin universel direct. Mais, cette fois, il s’agirait d’une représentation par secteur économique ou catégorie sociale.
Le corps social serait divisé en une cinquantaine de « secteurs économiques » (par exemple : l’agriculture, les services informatiques, etc.) de telle sorte que chaque secteur ait une population à peu près similaire. Chaque secteur enverrait trois représentants (un pour le « patronat », un pour les « salariés » et un pour les « autres statuts »), désignés par un scrutin majoritaire à deux tours national. Chaque électeur voterait donc pour son secteur économique et sa catégorie, un chômeur étant affecté à son dernier emploi.
A ces secteurs économiques seraient ajoutées des catégories telles que « étudiants », « retraités », « parents au foyer », etc. avec une représentation également par trois conseillers pour chaque catégorie, autant que possible avec des distinctions claires (par exemple : étudiants en universités, étudiants dans le supérieur privé, retraités avec tel niveau de pension, etc.
Bien entendu, ne pourrait être éligibles que des électeurs de la catégorie désignée. Des « délégués professionnels » comme des permanents syndicaux seraient donc exclus de l’éligibilité. L’objectif est bien d’avoir une représentation réelle du terrain.
Avec ce système, il y aurait donc environ 150 à 200 conseillers (233 aujourd’hui). Surtout, ces conseillers auraient une vraie utilité.
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